Art. 27 (11 fév. 2004)

ABBE PIERRE : 50 ans après

Hiver 1954, un froid polaire fige (v.gr.1 to freeze, to congeal) la France et tue des sans-abri. Sur les ondes de Radio Luxembourg retentit l'appel "Au secours" de l'Abbé Pierre.

1. L'hiver 1954 est resté dans les mémoires comme l'hiver où la France a battu des records de froid (n.m. the cold) (-20°C à Paris, -30° dans les campagnes). Dans les rues, des gens sans logement meurent de froid.
Le 1er février, à l'antenne de Radio Luxembourg (aujourd'hui RTL), l'Abbé Pierre lance un appel (n.m. the call) à tous les Français pour venir en aide aux défavorisés. La réaction est immédiate!
Cette "insurrection de la bonté" (n.f. the kindness), formidable élan de solidarité, a maintenant un demi-siècle. L'Abbé Pierre, 91 ans, facilement reconnaissable à sa longue barbe (n.f. the beard) blanche, ses lunettes (n.f.pl. the glasses), sa cape et son béret, renouvelle aujourd'hui son message pour que son action continue.

2. Né en août 1912 à Lyon dans une famille aisée (well-to-do), Henri-Antoine Grouès entre en 1930 au couvent (n.m. the convent school) des Capucins. En 1938 il est ordonné (v.gr.1 to ordain) prêtre (the priest) et prend les fonctions de vicaire à la cathédrale de Grenoble. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il est d'abord sous-officier en Alsace avant de rejoindre (v.gr.3 to join) le mouvement de la Résistance où il prend le nom de code : "Abbé Pierre" qu'il gardera une fois la guerre finie.
A l'Armistice, le Général De Gaulle le persuade de se présenter aux élections et c'est ainsi qu'il occupe le poste de Député de Meurthe et Moselle de 1945 à 1951. Il s'attache (v.gr.1 to dedicate oneself) particulièrement aux problèmes de la pauvreté et du manque (n.m. the shortfall) de logements.
En 1949, il fonde (v.gr.1 to set up) à Paris, l'Association Emmaüs, une communauté de chiffonniers (n.m. the rag picker)-bâtisseurs qui se consacre à la construction d'abris (n.m. the shelter) provisoires (temporary) pour les sans-domicile, financée par la revente d'objets de récupération (n.f. the recovery).
En 1951, l'Abbé Pierre renonce (v.gr.1 to give up) à ses fonctions politiques pour se consacrer (v.gr.1 to devote oneself to) aux "nouveaux pauvres". Très vite, il comprend l'importance des media qu'il utilise pour faire campagne (v. gr.3 to campaign) afin d'obtenir des hommes politiques au pouvoir (n.m. the power), des décisions en faveur de la construction de logements sociaux.
En 2004, le mouvement Emmaüs, toujours laïc (secular), est constitué de 84 communautés dans lesquelles vivent et travaillent plus de 4000 personnes, réparties dans 41 pays, sur 5 continents.

3. C'est à l'Abbé Pierre qu'on doit les Cités d'Urgence et les premiers HLM (n.m. ou f. the council flat/house).
En 1954, quand il lance son célèbre appel "au secours", la guerre est finie depuis huit ans, mais près de deux millions de logements ont été détruits, et les habitants des campagnes s'installent dans les villes pour trouver du travail, augmentant de ce fait la pénurie. La main-d'oeuvre (n.f. the manpower) française ne suffit d'ailleurs pas (beaucoup d'hommes sont morts à la guerre) et les étrangers commencent à émigrer vers notre pays (Italiens, Polonais, Algériens, Marocains, Espagnols...).
On estime qu'il manque à cette époque quatre millions de logements. On considère que la moitié (n.f. half) de la population est mal logée.
Après l'appel de l'Abbé Pierre, la situation se débloque (v.gr.1 to get things moving again). En quelques années le rythme de construction passe de 100 000 logements par an à 300 000 en 1958 et à 550 000 en 1973. Au milieu des années '70 le déficit est globalement résorbé (v.gr.1 to bring down), selon le Rapport 2004 sur l'état du mal-logement publié par la Fondation Abbé Pierre.

4. Mais la pauvreté n'est pas éliminée pour autant (for all that) ! En France, on compte 3,7 millions de personnes (sur une population d'un peu plus de 61 millions) qui vivent avec moins de 579 euros par mois, c'est-à-dire juste en-dessous du seuil (n.m. the threshold) de pauvreté (580 euros).
Aujourd'hui, le Secours Catholique indique que le nombre des pauvres est reparti à la hausse en 2002. Le chômage de masse n'a cessé de progresser. Même si le déficit de logements est moins dramatique qu'il y a un demi-siècle (il est estimé à 600 000 logements) il reste important. Les logements sociaux récemment construits ne sont pas toujours accessibles aux ménages (n.m. the household) pauvres dont les revenus proviennent partiellement du travail mais aussi des diverses prestations sociales (n.f. the social benefit). Avec l'augmentation du chômage et des emplois de plus en plus précaires (insecure), il devient très difficile de se loger, même dans un HLM!
Les liens (n.m. the tie) qui unissent les membres de la famille ont tendance à s'amenuiser (v.gr.1 to decline) et la solidarité familiale ne s'exerce plus que sur de courtes durées. Résultat : de plus en plus de personnes exclues vont frapper à la porte des services sociaux et cherchent un abri. Parallèlement, et peut-être paradoxalement, on assiste à un repli (n.m. the withdrawal) sur soi des exclus, à une méfiance (n.f. the distrust) vis-à-vis (towards) des structures d'aide d'urgence, comme le Samu social par exemple.


5. Le Gouvernement Raffarin s'est engagé (v.gr.1 to commit onself to do sth) à financer en 2004, la construction de 80 000 logements sociaux supplémentaires. Ce sera loin d'être suffisant pour répondre aux nombreuses demandes! En effet, selon la Fondation Abbé Pierre, il faudrait construire 120 000 HLM par an pour répondre aux besoins.
Malgré son grand âge et une santé de plus en plus fragile, l'Abbé Pierre n'abandonne pas sa croisade (n.f. the crusade) en faveur des sans-abri, et son image fortement médiatique a encore une fois soulevé l'enthousiasme des Français.
Espérons que le Gouvernement ne limitera pas son action à la construction de logements! Il y a aussi beaucoup à faire pour procurer un emploi (donc des revenus) à tous les demandeurs. La population augmente et beaucoup de jeunes se retrouvent sur le marché de l'emploi. Combien sont obligés à 30 ans de continuer à partager le petit logement de leurs parents parce qu'ils ne trouvent pas de travail, ou bien parce que la multiplication des emplois précaires ne leur donne pas la possibilité d'assumer un loyer (n.m. the rent) !
Et dans le domaine de l'emploi, il reste beaucoup à faire!

© ENEFF 2004