Art. 84 (28 avril 2007)

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VOTE ELECTRONIQUE : une expérience pas très convaincante

Inauguré en France à l'occasion du premier tour des Présidentielles, ce système de vote qui a concerné 1,5 million de votants, n'a pas soulevé l'enthousiasme que certains attendaient.

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1. Lors du premier tour de scrutin pour les élections présidentielles, le 22 avril dernier, 1,5 million d'électeurs, sur 44,5 millions d'inscrits, répartis sur 82 communes de France, ont eu le privilège d'inaugurer un nouveau système de vote : le vote électronique.
Selon la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) "l'appel aux nouvelles technologies pour récupérer les informations sur la participation aux élections permettrait d'impliquer davantage les jeunes et les Français résidant à l'étranger".
Grâce à l'introduction des machines à voter dans les bureaux de vote, on espère réduire l'abstention, moderniser l'organisation des opérations de vote, améliorer la fiabilité des décomptes et diminuer le coût des opérations. Beaucoup ont insisté sur l'économie de papier qui serait ainsi réalisée, puisque les bulletins de vote seraient inutiles. Il ne faudrait plus non plus mobiliser autant de volontaires pour jouer le rôle d'assesseurs.

2. Les premières réactions ne sont pas vraiment positives. Au cours de cette première journée électorale, de nombreuses communes ont vu les files de votants s'allonger pour atteindre souvent une heure d'attente, allant parfois jusqu'à deux heures. Pour les personnes âgées, il était pénible de rester debout dans la chaleur exceptionnelle de ce mois d'avril et certaines ont finalement décidé de ne pas rester et n'ont donc pas voté! En outre, l'augmentation importante des inscriptions sur les listes d'électeurs faisaient présager une forte participation. Cela s'est d'ailleurs confirmé avec un taux exceptionnel de 84% de votants. On a donc assisté à des retards et des "bouchons" tels que certains bureaux de vote ont dû reculer l'heure de fermeture prévue pour permettre aux électeurs dans la file d'attente de remplir leur devoir de citoyen.

3. Que reproche-t-on au système de vote électronique?
A cause du coût des machines, chaque bureau de vote n'a disposé que d'une seule machine, ce qui n'a pas permis de faire voter beaucoup de personnes en même temps, comme c'est le cas lorsque plusieurs isoloirs sont installés dans les bureaux de vote. Une seule machine par bureau de vote est loin d'être suffisante.
Un manque d'information en amont : trop peu d'électeurs avaient reçu une note explicative et les personnes âgées étaient perdues. On aurait dû maintenir un choix et permettre à ceux qui le souhaitaient de voter "papier".
Une certaine peur d'un bug et que le vote ne soit pas pris en compte, ou qu'une erreur apparaisse.

4. Le choix d'expérimenter le vote électronique lors d'une élection aussi importante que les Présidentielles ne semble pas très judicieux et il n'est pas du tout sûr que l'expérience se prolonge au deuxième tour (le 06 mai) car plusieurs maires ont déjà annoncé qu'ils repasseraient au système traditionnel.
Et ailleurs?
Les "Pour":
Parmi les pays qui se sont lancés dans cette expérience, l'Estonie a été le premier pays du monde à utiliser l'e-vote. Mais il faut dire que le droit à Internet est inscrit dans leur constitution et que tout avait été mis en place pour que ceux qui le souhaitaient puissent utiliser ce système. L'Estonie a d'ailleurs utilisé le web pour les législatives de 2007. Les électeurs disposent d'une carte à puce qu'ils branchent sur leur PC pour ainsi accéder à un site sécurisé où ils peuvent voter en signant électroniquement.
Au cas où l'e-citoyen se serait trompé, ou s'il pense avoir été influencé par son entourage lors du vote (faute de véritable isoloir), il lui est possible de voter à nouveau en annulant son vote en ligne et en revenant au fameux bulletin secret.
Il faut néanmoins noter que seul 1% des électeurs estoniens se sont exprimés électroniquement.
En Suisse, les électeurs ont reçu par courrier leurs cartes d’électeurs ainsi qu’un code d’accès confidentiel, leur permettant de valider leur vote à distance. Le vote pouvait ensuite s’exprimer via un site sécurisé sur internet ou en envoyant un SMS depuis un téléphone portable. Près de 24% des votants ont utilisé la voie électronique à distance, en préférant l’utilisation d’internet. A noter qu'il s'agissait d'un referendum et non d'une élection du niveau de nos présidentielles!

Les "Contre":
De nombreux pays marquent aujourd’hui le pas en matière de vote à distance. Hormis le Canada et l’Australie qui entendent poursuivre localement des expérimentations, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont décidé de mettre un terme à leurs tests de vote électronique à distance. On avait entendu parler des problèmes lors de l'élection du président G.W.Bush et de la difficulté à recompter des voix avec un système électronique, surtout si le votant n'a aucune preuve (ticket) qu'il a voté!
L’Irlande stoppe son projet de recueil électronique des suffrages.
L’Espagne temporise enfin la généralisation du vote par internet, à cause de nombreuses critiques quant à la sécurité des opérations. Les Espagnols avaient utilisé ce système lors de la ratification du traité pour la Constitution européenne.
En Grande-Bretagne, après le vote de milliers d’électeurs par internet ou SMS, lors des élections locales de 2002 et 2003, ces coûteuses expérimentations, à la sécurité difficilement garantie, n’ont pas permis de faire reculer significativement l’abstention. La généralisation des dispositifs de vote à distance n’est donc plus à l’ordre du jour pour le gouvernement actuel.

L’ensemble des pays ayant mis fin à leurs expérimentations de vote via internet souhaitent se relancer dans l'expérience dès que les technologies permettront d’organiser d’une manière totalement sécurisée la transparence des opérations. Mais on aura besoin d'être vraiment certain qu'aucune fraude n'est possible!
Il faudra sans doute encore attendre un peu pour pouvoir voter tranquillement à partir de son domicile en prenant son café et ses croissants. Certains nostalgiques des dimanches électoraux regretteront sans doute les isoloirs et les assesseurs qui annoncent les nom et prénom des votants et confirment l'introduction du bulletin dans l'urne par un "a voté!" clair et sonore!


© ENEFF 2007