Art. 81 (29 janvier 2007)

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SDF : après les tentes de l'Abbé Pierre et celles des Enfants de Don Quichotte y a-t-il place pour l'espoir?

Depuis l'hiver 1954 et le célèbre appel de l'Abbé Pierre, le problème des Sans Domicile Fixe semble avoir peu changé. La disparition de l'apôtre des défavorisés relancera-t-elle une action bien nécessaire?

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1. Lorsque la France a appris, le 22 janvier dernier, la disparition de l'Abbé Pierre, fondateur des Compagnons d'Emmaüs, tous ont ressenti une immense perte. Beaucoup de personnalités ont exprimé sur antenne leur émotion, mais aussi des milliers de SDF et de bénévoles sont venus rendre un dernier hommage à cet homme qui, tout au long de son existence n'a jamais baissé les bras pour que les sans-abri dorment sous un toit. (voir notre article sur L'Abbé Pierre: N° 027 dans les Articles archivés).
Cet hiver, avec l'action des "Enfants de Don Quichotte" qui ont installé des tentes le long du canal Saint-Martin à Paris pour les protéger du froid, le problème des SDF était revenu dans l'actualité. On s'interroge maintenant sur l'évolution de la situation des SDF entre le début de l'action de l'Abbé Pierre il y a plus d'un demi-siècle, et ce début du XXIè siècle où il reste tant de gens sans toit.

2. Le terme "Sans Domicile Fixe " (SDF) désigne une personne sans domicile qui dort dans la rue ou dans des foyers d'accueil. On parle aussi de "sans-abri" ou de "itinérant" ou de "clochard".
Les personnes qui peuvent être hébergées par de la famille ou des amis, ou celles qui ont un domicile "mobile", comme les gens du voyage ne sont pas comprises dans la catégorie des SDF.
Ce sont donc des catégories de personnes pauvres souvent obligées de mendier (on dit aussi "faire la manche") pour pouvoir se nourrir. Mais pas nécessairement des personnes sans emploi!

3. En un demi-siècle, les concepts de pauvreté et de mendicité ont beaucoup changé.
Après la guerre 1940-1945, on a pensé que la formidable croissance économique permettrait d'éradiquer la pauvreté. Mais avec la crise économique des années '80, le problème de la grande précarité est réapparu d'autant plus fort que le nombre de chômeurs augmentait. C'est ainsi que sont apparus les "nouveaux pauvres". Des personnes qui étaient socialement bien intégrées, se sont retrouvées isolées suite à leur perte d'emploi, ou à l'augmentation du coût du logement. Des drames familiaux, l'augmentation du nombre des divorces, des problèmes d'alcool ou de drogue contribuent aussi à l'accroissement du phénomène. De plus, on trouve dans cette population beaucoup de jeunes qui n'ont encore jamais travaillé, et ont coupé les ponts avec leur milieu d'origine, familial et géographique.

4. Combien la France compte-t-elle de SDF? La population des SDF qui souvent se cachent parce qu'ils veulent se protéger des intempéries ou par pudeur, est extrêmement difficile à recenser!
Un comptage effectué en 2004 par l'INSEE a donné un chiffre de 86 000 SDF.
Le déclenchement du niveau 2 du plan grand froid permet d'ouvrir des places d'hébergement supplémentaires pour les sans-abri. Il est activé lorsque les températures sont négatives le jour et comprises entre -5°C et -10°C la nuit.
Il prévoit l'ouverture la nuit de locaux ou de lieux d'hébergement pour les personnes qui refusent de se mettre à l'abri.
Pourtant, certains SDF refusent de quitter la rue pour aller dans un foyer, même lorsque l'hiver est particulièrement rigoureux. Les problèmes de violence -nombreux déjà dans la rue- sont encore plus aigus dans les foyers. En outre, souvent les chiens n'y sont pas admis et les couples sont séparés.

5. On pense généralement que le froid est la principale cause de mortalité parmi les sans-abri. Mais ce n'est pas exact, loin de là! Ainsi, en 2005, le froid a tué cinq personnes sur les 112 morts recensés. Ces personnes avaient en moyenne 49 ans, alors que l'espérance de vie est de 77 ans pour les hommes et de 84 ans pour les femmes. Le plus jeune avait 31 ans et la moitié avaient moins de 50 ans.
Les principales pathologies sont liées à la malnutrition et notamment aux carences en vitamine C et en calcium : anémie, hémorragies, troubles neurologiques ou cardio-vasculaires, fractures. Le manque de suivi médical empêche la prévention de maladies bien traitées comme le diabète ou l'hypertension. Il faut aussi y ajouter une forte consommation d'alcool et de tabac, entraînant des maladies cardiovasculaires, des cancers ORL et des cirrhoses.

6. Pour lutter contre le problème des SDF, il faut leur donner un toit. C'est l'objectif de la "loi sur le droit opposable au logement" adoptée début 2007 par le Conseil des ministres, loi qui porterait le nom du fondateur des Compagnons d'Emmaüs : Loi Abbé Pierre.
Le projet prévoit que cinq catégories de « demandeurs les plus prioritaires » pourront, à partir du 1er décembre 2008, présenter un recours administratif si la demande de logement « n’a pas reçu une réponse correspondant aux besoins et aux capacités du demandeur, dès lors que cette demande a été regardée comme prioritaire et urgente par la commission de médiation ».


Très bien! Mais comment ces gens très démunis et moralement peu armés pour affronter les problèmes administratifs trouveront-ils l'aide et le courage nécessaires pour faire ces démarches? Et en attendant, ne faudrait-il pas construire plus de logements sociaux (certaines mairies ne respectent pas le quota imposé par la loi)? créer des emplois suffisamment payés pour que les travailleurs puissent payer un loyer? développer les contrats à durée indéterminée pour lutter contre la précarité? augmenter les impôts des très riches pour aider les très pauvres? et bien d'autres choses encore!
Les larmes versées par certains à la mort de l'Abbé Pierre seront-elles la source d'une véritable prise de conscience du malheur des défavorisés et l'origine d'un nouvel élan pour leur venir en aide, ou bien seront-elles de simples larmes de crocodile?

© ENEFF 2007