Art. 79 (06 novembre 2006)

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ANTIBIOTIQUES : les bactéries font de la résistance

Avec le retour des grands froids la demande d'antibiotiques reprend, mais sont-ils toujours efficaces?

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1. L'hiver revient et avec lui les grippes, angines, otites, bronchites et autres maladies de saison. Dès les premiers symptômes on a de plus en plus tendance à avoir recours à des antibiotiques qui souvent sont prescrits à tort.
En France, avec cent millions de prescriptions d'antibiotiques par an, nous nous trouvons au premier rang des consommateurs européens. Or, au moins 30% des antibiotiques sont prescrits pour des maladies virales où les antibiotiques sont inefficaces. L'Assurance Maladie a d'ailleurs décidé, pour limiter cette consommation inutile, de diffuser aux médecins généralistes un test gratuit permettant de diagnostiquer rapidement si l'angine est d'origine virale (dans 75% des cas) ou bactérienne. D'autre part, on peut voir à la télé des spots publicitaires (souvent présentés par des enfants qui semblent mieux informés que leurs parents) mettant en garde contre l'utilisation inappropriée des antibiotiques pour le traitement de certaines maladies. Pourtant, 90% des dix millions de Français qui consultent chaque année leur médecin généraliste pour une angine se voient prescrire des antibiotiques -ou les réclament eux-mêmes.

2. Découverte par le médecin écossais Alexander Fleming en 1928 et mise sur le marché en 1941, la pénicilline a sauvé bien des malades atteints de septicémie autrement incurable, et les découvertes se sont multipliées pour en arriver dans les années '50 à couvrir la presque totalité des familles d'antibiotiques actuelles (streptomycines, céphalosporines, tétracyclines, etc.). En 1969, le ministre américain de la Santé déclarait même que l'humanité pouvait considérer que les maladies infectieuses étaient sur le point de disparaître.

3. C'était sans compter avec la résistance des bactéries! Les premières souches de bactéries résistantes sont apparues en même temps que les premières utilisations d'antibiotiques aux Etats-Unis. Déjà en 1944, Alexander Fleming avait noté que certaines formes de staphylocoque doré étaient capables d'échapper à la pénicilline.
A l'heure actuelle, 52 millions de personnes dans le monde seraient porteuses de staphylocoques résistants aux antibiotiques et on peut pronostiquer qu'un tiers des patients infectés par ce germe développeront une septicémie.
Face à ce fléau, les laboratoires pharmaceutiques se mobilisent pour contre-attaquer. Ainsi, on vient de voir arriver sur le marché, le premier d'une nouvelle classe d'antibiotiques à large spectre (qui peut tuer différents types de bactéries) : le Tygacil. Il n'est pourtant pas certain que les bactéries ne développeront pas immédiatement une résistance et ne réussiront pas à passer la barrière.

4. Nous avons dans notre corps plus de bactéries que de nos propres cellules. L'antibiotique, lui, est une molécule microbienne (sucre, protéine...) capable de détruire ou d'empêcher la croissance d'autres micro-organismes. Il agit spécifiquement contre les bactéries vivantes, sans toxicité pour les autres cellules du corps. Il élimine les bactéries les plus sensibles, mais cette sélection a permis aux bactéries plus résistantes de se multiplier! En outre, les bactéries non-résistantes sont capables de développer leur résistance en captant des gènes de résistance en provenance d'autres bactéries. Elles peuvent même accumuler jusqu'à dix gènes de résistance différents. Ce sont les fameuses souches multi-résistantes. C'est ainsi que certaines maladies, comme la tuberculose (qui fait 2 millions de victimes chaque année), qu'on croyait éliminées de la planète (sauf dans certains pays du Tiers Monde) sont en recrudescence et on est impuissant à trouver l'antibiotique pour les traiter!

5. Alors qu'on pensait, jusque dans les années '90, découvrir de plus en plus d'antibiotiques et prendre de vitesse les bactéries, seules deux grandes classes d'antibiotiques ont été découvertes depuis la fin des années '50 et on a peu d'espoir d'en trouver de nouvelles.
Parallèlement, on n'a cessé de prescrire -et de consommer- de plus en plus d'antibiotiques qui ont permis aux bactéries de développer leur résistance.
Nous sommes maintenant dans une impasse et il faudrait trouver une solution pas nécessairement strictement médicale. En limitant notre consommation d'antibiotiques nous arriverons peut-être à limiter le développement de la résistance des bactéries. C'est ainsi que sont mis en place dans de nombreux pays, des réseaux qui surveillent l'apparition de nouvelles souches de bactéries résistantes aux antibiotiques.
Si on diagnostique mieux l'origine microbienne de certaines maladies et qu'on ne prescrit pas aveuglément des antibiotiques, on sera déjà sur la bonne voie. Sans mesure de ce type, des maladies guérissables comme l'angine, l'otite ou la tuberculose seront à nouveau incurables d'ici à vingt ans.

© ENEFF 2006