Art. 74 (13 juin 2006)


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UNION EUROPEENNE : UNE VERITABLE TOUR DE BABEL

Avec l'élargissement de l'Union européenne à vingt-cinq, et vingt langues officielles, les réunions sont de plus en plus compliquées pour les linguistes.

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1. D'élargissement en élargissement, avec vingt-cinq pays membres, l'Union européenne (UE) utilise de plus en plus de langues officielles et les problèmes de traduction et d'interprétariat se multiplient. En effet, une des règles fondatrices de l'Union veut que toutes les langues soient égales entre elles. C'est d'ailleurs la seule organisation internationale à fonctionner avec toutes les langues officielles de ses pays membres! L'ONU, elle, qui compte pourtant 191 nations n'admet que six langues officielles (l'anglais, le français, l'espagnol, le russe, le chinois et l'arabe) et fonctionne en anglais et en français, et l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) communique en trois langues (anglais, français et espagnol). L'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord), elle, n'utilise que l'anglais.
En ce qui concerne l'UE, tous les textes relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune qui sont présentés ou adoptés lors des sessions du Conseil européen ainsi que tous les textes à publier sont traduits immédiatement dans toutes les langues officielles de la Communauté.
Tout citoyen de l'Union peut écrire à une institution ou organe dans l'une des langues de l'Union et recevoir une réponse rédigée dans la même langue.

2. L’UE compte moins de langues officielles que d’États membres. Il en est ainsi parce que l’Allemagne et l’Autriche partagent l’allemand, le Royaume-Uni et l’Irlande parlent la même langue, la Grèce et Chypre parlent toutes deux le grec et la Belgique et le Luxembourg ont des langues en commun avec leurs voisins français, néerlandais et allemand. Au total, cela fait donc vingt langues officielles pour vingt-cinq pays et 450 millions d'habitants : le danois, le néerlandais, l'anglais, le finnois, le français, l'allemand, le grec, l'italien, le portugais, l'espagnol et le suédois, auxquelles se sont ajoutées le 1er mai 2004 le polonais, le letton, l’estonien, le lituanien, le tchèque, le slovaque, le hongrois, le slovène et le maltais. À partir du 1er janvier 2007, l'irlandais qui a un statut particulier deviendra une langue de travail (sans devenir pour autant une langue officielle à part entière). En revanche, le bulgare et le roumain deviendront langues officielles lors de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'UE.


3. Avec environ 90 millions de locuteurs natifs, l’allemand est la langue maternelle la plus parlée dans l’UE. Le français, l’anglais et l’italien sont chacun la langue maternelle d’environ 60 millions de citoyens. Cependant, l’anglais est la première langue étrangère d’un tiers des citoyens européens, ce qui en fait la langue la plus utilisée de l’UE, loin devant l’allemand et les autres. Pourtant, tous les textes officiels doivent être traduits et toutes les réunions doivent être interprétées dans toutes les langues de l'Union, et cela donne un total de 380 combinaisons! Le travail des experts linguistes est loin d'être simple, car il n'est pas toujours possible de trouver un traducteur ou un interprète pour traduire directement d'une langue dans une autre, par exemple du finnois en grec! Il faut alors utiliser des langues relais, souvent l'anglais, l'allemand ou le français et traduire en cascade! Un véritable casse-tête et parfois aussi une source de contresens.

4. Parmi les titulaires d’un diplôme universitaire qui travaillent dans les différentes institutions de l'UE, un sur trois est traducteur ou interprète. Chacun d’eux doit être capable de travailler dans sa langue maternelle à partir d’au moins deux autres langues officielles de l’UE.
Avant l’élargissement de 2004, les institutions principales — la Commission européenne, le Conseil des ministres et le Parlement européen — traduisaient à elles trois presque trois millions de pages de texte chaque année. Le coût annuel de la traduction et de l’interprétation était d’environ deux euros par citoyen de l’UE. Le passage du nombre des langues officielles de onze à vingt entraîne une augmentation de ce coût, mais il ne va pas doubler. En effet, dans leur travail interne, les institutions européennes ont rationalisé l’utilisation des langues et l’élargissement a apporté de nouveaux dispositifs de réduction des coûts.

5. En fait, au quotidien, la Commission européenne utilise trois langues de travail: l’allemand, l’anglais et le français. Les projets relatifs à une politique donnée et les projets d’actes législatifs sont élaborés dans une ou deux de ces langues, éventuellement dans les trois.
Ce n’est que lorsqu’ils sont finalisés, ou presque, que ces textes sont traduits dans les vingt langues officielles. Le Parlement européen, qui a souvent besoin de produire des documents rapidement dans toutes les langues officielles, a mis au point un système reposant sur six langues «pivots» : l’allemand, l’anglais, l’espagnol, le français, l’italien et le polonais. Un document écrit en finnois ou en grec, par exemple, ne sera pas directement traduit dans les dix-neuf autres langues: il sera traduit dans les langues pivots, puis retraduit dans les autres langues à partir de l’une d’elles.
Cela permet de se passer de traducteurs capables de travailler directement du maltais vers le danois ou de l’estonien vers le portugais, et de centaines d’autres combinaisons également.

6. Chaque jour, le service d’interprétation de la Commission européenne et du Conseil des ministres doit couvrir une cinquantaine de réunions à Bruxelles ou ailleurs dans l’Union. Chaque événement nécessite les services d’une équipe de soixante interprètes. Cela donne le vertige!
Avec l’élargissement, pour limiter le nombre de linguistes intervenant, on a de plus en plus recours à des traducteurs et à des interprètes capables de travailler de leur langue maternelle vers une langue étrangère, et plus seulement l’inverse, comme c’était le cas auparavant pour les traducteurs.

Ce n'est donc pas étonnant que l'accent soit mis de plus en plus sur l'importance de l'apprentissage des langues et qu'une Journée européenne des langues (le 26 septembre) ait été instaurée!

© ENEFF 2006