Art. 72 (06 mai 2006)


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TCHERNOBYL, VINGT ANS APRES

Le 26 avril 1986, le réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl explosait, mettant à l'air libre les matières radioactives contenues dans le coeur du réacteur. Quelles sont les conséquences pour les populations?

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1. Lors de sa mise en service en 1983, le réacteur nucléaire n°4 de Tchernobyl renfermait 190 tonnes d'oxyde d'uranium enrichi. Durant l'année qui a suivi son explosion, 600 000 liquidateurs, qui ont participé à la construction du sarcophage d'isolement ont été irradiés. Vingt ans après, existe-t-il un bilan de cette catastrophe?

2. Le 5 septembre 2005, un communiqué officiel donnant une "réponse définitive sur l'ampleur réelle de la catastrophe" dans les trois pays les plus directement concernés (Ukraine, Biélorussie et Russie) annonçait que "jusqu'à 4 000 personnes pourraient à terme décéder d'une radioexposition consécutive à l'accident".
Un nombre tout-à-fait irréaliste pour des experts ayant participé au Forum de Tchernobyl qui s'est tenu à Vienne, au début du mois de septembre 2005. Au cours de ce Forum, vingt ans d'analyses médicales ont été passés en revue. Il ressort au moins une certitude du rapport établi : on n'est encore sûr de rien, et certainement pas des chiffres avancés dans le communiqué.

3. Au début du mois d'avril 2006, un groupe de journalistes internationaux visite le site, à l'occasion de la commémoration de la catastrophe. Leur dosimètre n'indique qu'une très faible radioactivité. Celle-ci n'est pas plus élevée à Pripyat, la ville construite pour le personnel de la centrale, à 10 km du réacteur, et évacuée le lendemain de l'explosion. A l'évidence, ce n'est pas là qu'il faut maintenant rechercher les prolongements du drame.


4. Mais comment la radioactivité peut-elle nous affecter et quels sont ses effets sur l'organisme?
La radioactivité peut nous atteindre de deux manières : d'une part, par exposition externe, lorsque la source de rayonnement est à l'extérieur du corps, c'est ce qui s'est produit juste après l'explosion et jusqu'à l'achèvement du sarcophage recouvrant le réacteur; d'autre part, par exposition interne, lors de l'inhalation de particules radioactives, ou l'ingestion d'aliments contaminés par des éléments radioactifs provenant de la fission de l'uranium, tels l'iode 131, et le césium 137, considérés comme les plus nocifs.
Au fil des années, ces éléments lavés par les pluies se sont enfoncés dans le sol ou sont partis dans les rivières. Ils passent dans les légumes, les céréales, les fruits, les champignons... et sont absorbés par les êtres humains et les animaux qui les consomment. On arrive dans certains cas à des concentrations telles que des sangliers, par exemple, sont considérés comme des déchets radioactifs mobiles et leur élimination nécessite des dispositions spéciales.
Cette radioactivité est invisible, sans odeur et sans goût, elle ne présente pas de danger lors d'une brève visite.

5. Pourquoi des organismes tels que Green Peace et la CRIIRAD (Commission de Recherche et d'Informations Indépendantes sur la Radioactivité), ainsi que des scientifiques dont le Docteur Youri Bandajevski (condamné à la prison en 2001 en Biélorussie et libéré en 2005) continuent-ils à s'élever contre les positions officielles?
Le mode d'évaluation officiel est principalement basé sur l'idée que le risque de voir apparaître des pathologies augmente proportionnellement à la dose de radiations reçues. Ce modèle s'appuie sur l'observation des survivants d'Hiroshima et Nagasaki qui avaient reçu une très forte dose externe en un temps très court.
Dans les régions contaminées par Tchernobyl, la situation s'est inversée. En effet, les populations sont soumises depuis vingt ans à une irradiation interne permanente, par de petites doses. Or, selon les scientifiques, ce type d'irradiation est dangereuse justement parce que ces petites doses ne sont pas prises en compte. Leur accumulation dans les voies respiratoires, l'appareil digestif, les reins, le coeur, les yeux... pourrait déclencher d'autres pathologies que le cancer de la thyroïde qui ne serait que la partie émergée de l'iceberg. Une augmentation, de génération en génération, des risques de dérèglements génétiques est également à craindre. Ce serait une véritable catastrophe à retardement. Plus de cinquante ans après Hiroshima et Nagasaki, le Japon découvre encore des choses.

6. Des scientifiques internationaux continuent à mener des études demandées notamment par le Centre de Diagnostic de Briansk en Russie, dont celles par exemple portant sur l'apparition de cataractes chez des enfants. Leurs premières conclusions ne sont pas connues.
Peut-être par habitude du danger, mais surtout par nécessité, les habitants de ces régions continuent à manger des produits contaminés, souvent cultivés dans leurs propres jardins.
Que dire des drames humains chez les familles évacuées qui ont tout perdu, souvent mal accueillies dans les régions où elles ont été déplacées, les "chimiques", comme on les appelle parfois, et qui n'osent plus faire de projets?
Et que dira-t-on aux générations futures dont l'avenir est peut-être déjà fortement compromis?
Le rapport du Forum de Tchernobyl reconnaît qu'il est peu probable qu'on connaisse jamais avec précision le nombre de morts causées par l'accident.
Le bilan reste à faire, mais quel bilan pourrait prendre en compte toutes les douleurs de cette tragédie inachevée?

 

© ENEFF 2006