Art. 68 (14 février 2006)


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La MALBOUFFE : pas seulement une question de calories

La France a organisé début janvier deux journées de sensibilisation aux problèmes de l'obésité. De leur côté McDonald et Quick décident d'afficher les calories de leurs menus. Mais les kilos sont-ils les seules choses reprochées au fast-food?

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1. L'enseigne américaine, symbole de la malbouffe, présentait début février la nouvelle signalétique nutritionnelle qui figurera bientôt sur les emballages de ses hamburgers et de ses cornets de frites. McDo indiquera pour chaque aliment quels sont les apports caloriques pour une portion. Il informera aussi les clients des quantités nécessaires selon leur physiologie, leur âge et leur mode de vie.
Du coup, la chaîne belge Quick, grand concurrent de la firme américaine, a annoncé le surlendemain qu'ils allaient faire de même.
Les deux rois du fast-food travaillent donc activement à la composition de leurs menus et à leurs procédés de préparation pour participer à leur manière à la campagne de lutte contre l'obésité. Est-ce vraiment pour se donner bonne conscience?

2. En 1970, les Américains dépensaient environ 6 milliards de dollars en fast-food. En 2001, ils en ont dépensé plus de 110 milliards. Aujourd’hui, ils dépensent plus d’argent pour les fast-food que pour l’éducation supérieure, l’informatique, ou les nouvelles voitures. Ils dépensent plus en fast-food qu’en films, livres, magazines, journaux, vidéos et musique, le tout confondu.
Mais les Etats-Unis ne sont pas les seuls concernés. Chaque jour, partout dans le monde, des centaines de millions de personnes sont clients d’un restaurant  fast-food, sans vraiment y prêter attention, sans être conscient de toutes les ramifications de leurs achats. Ils considèrent rarement d’où cette nourriture provient, comment elle est préparée, ou comment elle modifie la société dans laquelle ils vivent.

3. L'apparition des fast-food n'a pas eu un impact seulement sur le tour de taille des citoyens ou sur les accidents de santé dus à une surconsommation de graisses et de sucres. Elle a aussi modifié la vie des producteurs de viande et de pommes de terre, et la vie dans les villes concernées par ces productions. Ainsi, 80% du marché des frites congelées produites aux Etats-Unis est contrôlé par trois entreprises géantes, qui sont en compétition pour fournir les chaînes de fast-food. Cette compétition, basée sur des quantités énormes tire les prix vers le bas.
Les producteurs de pommes de terre sont obligés de s'agrandir, s'endettant pour des équipements toujours plus chers, afin de produire plus pour rester compétitif. Les fermes les plus petites disparaissent au profit d'exploitations qui s'étendent sur plusieurs milliers d'hectares.
En 1968, McDonald's achetait sa viande hachée à environ 175 producteurs locaux différents. Quelques années plus tard, il réduit son nombre de fournisseurs à cinq. Résultat : l'industrie bovine est maintenant composée de quelques multinationales qui contrôlent la presque totalité du marché du boeuf, utilisant des tactiques déloyales pour faire baisser le prix du bétail. Le métier de cow boy rendu célèbre par les westerns, est en voie de disparition. 500 000 fermiers ont mis la clef sous la porte pendant ces vingt dernières années.

4. Pour répondre à la demande énorme des chaînes de fast-food et de grande distribution, les géants de la transformation de la viande ont augmenté leur production tout en diminuant leurs masses salariales. L'emploi de boucher, est devenu une tâche ingrate, mal payée. On fait de plus en plus appel à une main d'oeuvre souvent immigrée prête à accepter des bas salaires.
Derrière les comptoirs ou dans la salle des restaurants de fast-food, on trouve en majorité des visages jeunes. En effet, l'industrie du fast-food recherche en priorité des travailleurs à temps partiel, non-qualifiés, prêts à accepter de faibles salaires. Parce qu'ils manquent d'expérience ou qu'ils veulent commencer à être indépendants ou encore payer leurs études, les adolescents sont les candidats idéaux pour ce type de boulot. Mais la plupart des employés ne restent pas longtemps en poste et ils cherchent rapidement un emploi plus stable et surtout mieux rémunéré.
Aux Etats-Unis, la simplification des tâches demandées aux employés des fast-food supprime les frais de formation. Pourtant les chaînes de fast-food reçoivent jusqu'à 2 400 dollars de crédit de formation versé par le Gouvernement pour chaque nouvel employé!

5. L'expansion de l'industrie du fast-food a également coïncidé avec la hausse de la violence sur le lieu de travail. En 1998, il y a eu plus d'employés de restaurants américains tués pendant leur travail, que de policiers. Pourquoi? La majeure partie des achats dans les fast-food sont réglés en argent liquide; les systèmes de vitres blindées installées dans les banques ou les stations services sont inadaptables sur les comptoirs de fast-food; enfin, les restaurants sont situés près des routes ou à la sortie des autoroutes et il est facile de s'en échapper après un hold-up.

6. Malgré tous ces points noirs, le chiffre d'affaires des fast-food ne cesse d'augmenter. Il y a 10 ans, Mc Donald's dirigeait environ 3 000 restaurants à l'extérieur des USA. Il en a aujourd'hui 17 000, dans 120 pays, et en ouvre en moyenne 5 par jour. Le marketing qui cible en priorité les enfants porte ses fruits. Il y a 25 ans, seules quelques entreprises dirigeaient leur publicité vers les enfants : Disney, McDonald, les fabricants de bonbons, de jouets, de céréales. Au début des années 1980, les parents, se sentant coupables de passer plus de temps au bureau qu’avec leurs enfants, ont commencé à dépenser plus d’argent pour leurs enfants et un enfant qui entraîne son père ou sa mère chez McDo, ça fait beaucoup de clients en fin de compte!

Alors si les fast-food doivent un peu changer leur image (et leurs menus!) pour donner bonne conscience aux parents et rassurer les nutrionnistes, le bénéfice final vaut bien le sacrifice de quelques grammes de sucre ou de graisse!

© ENEFF 2006