Art. 67 (30 janvier 2006)


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PARIS DAKAR : la course endeuillée

Victoire amère pour le Français Luc Alphand, ancien champion du monde de ski alpin, au 27è Paris Dakar : un concurrent moto et deux enfants ont perdu la vie pendant le rallye.

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1. Le 15 janvier dernier, l'arrivée de la fameuse course hors piste entre l'Europe et l'Afrique a été endeuillée par la mort du motard australien Andy Caldecott et de deux jeunes garçons africains décédés après avoir été renversés par des concurrents et un camion d'assistance au cours des 13e et 14e étapes. Ces trois décès portent à 48, dont huit enfants, 23 concurrents et le fondateur de l'épreuve, Thierry Sabine, le nombre des morts du Dakar en 28 ans d'existence de la course. Ils reposent également la question de la sécurité sur le trajet du rallye.

2. En 1977, Thierry Sabine se perd en moto dans le désert de Libye, alors qu'il participait au rallye Abidjan-Nice. In extremis, il est sauvé d'une mort certaine et rentre en France, fasciné par le désert et avec un seul objectif : partager sa passion avec le plus grand nombre possible de personnes. Il imagine un parcours partant d'Europe, traversant les déserts les plus mythiques et s'achevant à Dakar. Le projet du Paris-Dakar se concrétise rapidement sous la direction de Thierry Sabine qui apparaît comme un véritable pionnier. Son credo sera alors : « Un défi pour ceux qui partent. Du rêve pour ceux qui restent ».

3. En décembre 1978, le rêve devient réalité et le premier Paris Dakar est lancé depuis le Trocadéro à Paris. 170 concurrents prennent le départ et partent à l'aventure pour une course de 10 000 kilomètres sur les pistes d'Algérie, du Niger, du Mali, du Burkina Faso et du Sénégal. La course la plus médiatique des années 80 est lancée. Elle va rester pour beaucoup une fenêtre sur les grands espaces, une fascination pour les prouesses des concurrents dans des conditions de conduite particulièrement difficiles et spectaculaires, à travers un continent mal connu, l'Afrique, au contact de populations qui vivent encore loin de la "civilisation" occidentale.

4. Rapidement on assiste à un véritable engouement pour cette épreuve sportive où, dès 1981, tous les types de véhicules sont présents (4x4, buggies, side-cars, autos, camions). Le nombre de concurrents inscrits augmente d'année en année. Le parcours s'étend aussi pour passer, à partir de 1984, en Guinée, en Sierra Leone et en Mauritanie.

5. Après de sérieuses frayeurs en 1983 lorsque 40 concurrents pris dans une tempête de sable se sont perdus, 1986 sera une année noire pour le Dakar. En effet, l'âme de la course, Thierry Sabine, le chanteur français Daniel Balavoine ainsi que trois autres personnes trouvent la mort lors du crash de leur hélicoptère. Mais le père de Thierry Sabine reprend les rênes et l'année suivante, les concurrents prennent le départ.

6. Au cours des années suivantes, le parcours va se modifier, s'étendre même jusqu'au Cap en Afrique du sud ou encore traverser l'Afrique d'ouest en est. Le départ ne se fera plus systématiquement de Paris, mais parfois d'Espagne ou du Portugal, et le Paris Dakar deviendra le Dakar. Les techniques aussi évoluent, et l'arrivée du GPS sera un pas en avant pour la sécurité des pilotes. Mais tous les pilotes ne sont pas logés à la même enseigne, et les amateurs qui représentent 80% des concurrents n'ont pas toujours les moyens financiers de se faire assister par une équipe importante (routage radio, hélicoptère...). Rappelons que l'inscription à la course, à elle seule, pour un pilote d'auto et son copilote revient à près de 23 000 euros. Pour équilibrer les chances des participants, les organisateurs ont donc décidé de limiter les moyens d'assistance, entre autres l'utilisation du GPS.

7. Pour les constructeurs automobiles, le Dakar représente un formidable terrain d'essai et il est certain que les automobilistes en fin de compte bénéficient des améliorations apportées aux nouvelles voitures grâce aux tests subis pendant la course. C'est aussi du travail pour beaucoup de personnes. Ainsi en 2005, il a fallu organiser un bivouac de 2 200 personnes ( dont 1 465 concurrents) : nourriture, déplacement en avion d'un bivouac à l'autre (18 avions), et assurer la surveillance de la course (8 hélicoptères) ainsi que l'assistance aux concurrents (27 voitures et 11 camions).

8. Il a aussi été nécessaire d'informer les populations du passage du rallye et de prendre des mesures pour empêcher que les gens ne se trouvent sur la trajectoire des véhicules. Pourtant, cela n'a pas été suffisant, comme les tristes statistiques l'indiquent.
Mais il n'est pas question de supprimer la course. On envisage toutefois de limiter la vitesse maximale pour les camions et les motos à 150 km/h, et la traversée des villages ne pourra pas se faire à plus de 50km/h. Des 4x4 sillonneront la région trois jours avant le passage de la course et sensibiliseront la population (surtout les enfants) aux dangers.

9. Le Dakar est une épreuve sportive très médiatisée, passionnante et sans nul doute très dure pour les concurrents. Mais l'assistance technique dont ils bénéficient enlève peut-être un peu de magie à l'aventure qu'ils vivent. Ses détracteurs disent, avec raison, que la course pollue les villages traversés, obligés d'éliminer les déchets laissés sur place. Ils disent aussi qu'il y a peut-être quelque chose d'indécent à prendre un tel plaisir avec les dernières technologies sous le nez de populations qui souvent n'ont ni l'électricité, ni l'eau en quantité suffisante, ni assez de nourriture pour survivre.
Alors, le rêve oui, mais pour qui? Pour les concurrents qui se remplissent les yeux des beautés du désert mais ne font qu'y passer, ou pour ceux qui y vivent en permanence, qui ont peut-être oublié les merveilles des paysages qui les entourent parce que leur préoccupation première est la survie et qui rêvent, l'espace du passage de bolides, qu'ils s'en évadent?