Art. 62 (31 octobre 2005)


Vous êtes ici dans le NIVEAU 2 (Intermédiaires)

LA POLLUTION MARINE

Un nouveau cas de dégazage sauvage au large de la Bretagne remet le problème de la pollution marine dans l'actualité.

Ecoutez/Listen Click here and listen

1. Le "Maersk Barcelona", porte-conteneurs de 239 mètres battant pavillon des Bahamas, reliait Anvers à Gioiatauro (Italie), quand un appareil des douanes françaises a repéré dans son sillage, fin septembre dernier, une nappe d'hydrocarbures longue de 61 km sur 100 m de large, à environ 160 km au sud-ouest de l'île de Sein (Bretagne). Il s'agit de la pollution par dégazage la plus importante à ce jour.
Après avoir versé une caution de 500 000 euros, le bateau a été autorisé à reprendre la mer. On ignore à ce jour, si une amende sera infligée aux responsables.
Par contre, le capitaine et l'armateur du" Enriko Ievoli", un navire italien suspecté de pollution marine par hydrocarbures, ont été condamnés à 370 000 euros d'amende. Ce chimiquier* avait été surpris le 10 mars dernier par un avion de la marine nationale avec dans son sillage une nappe suspecte de 27 km de long sur 40 m de large.
Et ces deux exemples récents ne sont qu'une infime partie des cas de pollution par dégazage que l'on rencontre chaque jour au large des côtes françaises. En 2002, un navire par jour était repéré pour pollution, mais peu de condamnations sont prononcées et le Gouvernement français estime qu'il est temps de prendre des sanctions à l'égard des pollueurs.

2. Des catastrophes comme celles de l'Amoco Cadiz, de l'Erika ou encore, plus récemment, du Prestige, frappent les esprits par l'ampleur de la marée noire qu'elles provoquent en un seul naufrage, mais elles ne représentent en réalité que 2% de la pollution marine par hydrocarbures.
Cette dernière est de deux types. La première : le déballastage, est produite essentiellement par les pétroliers. Elle est composée d’eau de mer mélangée à du pétrole, et provient des cuves de transport.
Une fois sa cargaison déchargée, un pétrolier doit " ballaster " c’est-à-dire remplir d’eau de mer ses cuves pour assurer la stabilité du navire lorsqu’il fait route. Le ballast représente en volume environ 1/5 du navire. Lorsqu’il se prépare de nouveau à charger, le pétrolier doit donc vider ses cuves de l’eau de mer qu’elles contiennent. Cette opération de " déballastage ", devrait se faire dans les installations portuaires prévues à cet effet, mais elle a lieu en réalité souvent en mer de façon illégale, à l’approche des ports.
Les autres rejets d’hydrocarbures en mer, appelés communément dégazage, (aussi : "sludges") correspondent aux rejets d’huiles de vidange et de résidus de fioul générés par les moteurs de l’ensemble des navires : transport de cargaison (tankers, vraquiers, porte-conteneurs..), transport de passagers (bateaux de croisières, ferry..) et bateaux de pêche.
A cela il faut ajouter les déchets rejetés par les plateformes de forage de pétrole off shore.

3. Mais la pollution marine n'est pas due uniquement aux hydrocarbures. 80% de la pollution marine sont le fruit d'activités terrestres. Les eaux usées domestiques et industrielles par exemple, surtout dans les endroits touristiques, en été, sont catastrophiques pour l'environnement. L'azote et le phosphore provenant de l'activité agricole et des rejets domestiques et industriels favorisent le développement des micro-algues (phytoplanctons). Une fois parvenu dans l'eau, le phosphore y exerce une action fertilisante. Les eaux produisent alors une quantité anormale de micro-algues qui, vivantes ou mortes, produisent différents types d'effets nocifs. La conséquence principale est la consommation de tout l'oxygène disponible dans l'eau . Une fois mortes, posées sur le fond, ces algues ont encore besoin de beaucoup d'oxygène pour leur décomposition. Elles le prennent dans l'eau , ce qui entraîne l'asphyxie de nombreuses espèces végétales et animales.
Les pesticides, les métaux rejetés dans la mer et les détergents sont autant de polluants de nos mers auxquels on ne pense pas toujours!
On a même utilisé des détergents lors du naufrage du pétrolier « Torrey Canyon » pour laver les côtes souillées par le pétrole. Par la suite il a été démontré que le pétrole qui recouvrait la faune ou la flore était moins nocif que les détergents utilisés pour l'éliminer!

4. Et que dire des déchets nucléaires? Comme les mers recouvrent les deux tiers du globe, les spécialistes ont donc «naturellement» pensé à elles pour stocker les résidus radioactifs dans des fûts métalliques qui rouillent rapidement. Le pouvoir corrosif de l'eau est considérable, aucun fût ne lui résiste plus de quelques mois à quelques années et la radioactivité se concentre dans les algues contaminées. Pourtant les pays ne sont pas prêts à renoncer à l'énergie nucléaire pour autant!
Des algues, aussi, comme la "caulerpa", apparue dans les années '80 ou la "sargasse géante" dans les années '70 prolifèrent rapidement, au point d'étouffer la flore naturelle. On n'a pas encore trouvé la solution pour s'en débarrasser.

5. La pollution marine a des effets pernicieux sur les ressources vivantes et, de fil en aiguille, sur les populations vivant des produits de la mer. Le secteur de la pêche, bien sûr est frappé, mais aussi celui du tourisme et ce problème est de plus en plus préoccupant.
Un Conservatoire du Littoral a été créé pour protéger les côtes et préserver la nature : réglementation des constructions, protection de la flore et de la faune, contrôle des déchets.
Des moyens sont mis en place pour repérer les nappes à la suite d'un dégazage sauvage, et des systèmes de radar par satellite permettent d'identifier les responsables, mais ce n'est pas suffisant.
Il faut dire que le coût du dégazage effectué à terre est souvent très élevé, et beaucoup de ports n'ont pas les infrastructures adaptées.
D'autre part, nous manquons d'inspecteurs et de juges dans le domaine maritime, alors, voilà peut-être une filière pour les demandeurs d'emploi?

*navire transportant des produits chimiques

© ENEFF 2005