Art. 61 (15 octobre 2005)


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LE CONTRAT NOUVELLE EMBAUCHE : LA SOLUTION AU PROBLEME DE L'EMPLOI?

Devant le nombre croissant de demandeurs d'emploi, le Gouvernement a mis en vigueur le 4 août dernier, une nouvelle forme de contrat d'embauche très contesté tant par les travailleurs que par les syndicats.

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1. Avec un taux de chômage de plus de 10% au début 2005, la France essaie par tous les moyens de trouver des solutions pour donner du travail aux demandeurs d'emploi et donc relancer la croissance économique. Ainsi, le Premier Ministre Dominique de Villepin vient de décider la mise en place d'un nouveau type de contrat d'emploi, le CNE (Contrat Nouvelle Embauche) destiné aux PME (Petites et Moyennes Entreprises) de moins de 20 salariés. Il est applaudi par le patronat qui y voit une solution à l'embauche pour les petites entreprises qui ne veulent pas prendre le risque de recruter un salarié en CDI (Contrat à Durée Indéterminée) si l'avenir de leur société ne leur semble pas très sûr. Cette nouvelle formule leur donne en effet beaucoup de souplesse dans la gestion de leurs effectifs!

2. En quoi consiste ce CNE? Ce contrat de travail écrit est sans détermination de durée. On pourrait donc l'assimiler à un CDI. Mais, pendant les deux premières années, il peut être rompu à tout moment, par l’employeur ou le salarié, sans justification et par simple lettre recommandée.
Dans le cas d'un CDI, l'employé fait une période d'essai de trois mois, renouvelable pour la même période, à la fin de laquelle il sait si oui ou non il garde l'emploi, et ce, pour une durée indéterminée.
Pour le CNE, en cas de rupture du contrat à l’initiative de l’employeur et sauf faute grave, le salarié bénéficie d’une durée de préavis de deux semaines si le contrat est conclu depuis un délai de un à six mois à la date de présentation de la lettre recommandée et d’un mois pour un contrat de plus de six mois. Aucun préavis n'est requis si le contrat est conclu depuis moins d'un mois. Si le contrat est rompu, une compensation est prévue pour l'employé. En effet, l’employeur qui rompt le CNE doit verser au salarié concerné une « indemnité égale à 8% du montant total de la rémunération brute due depuis la conclusion du contrat ». En outre, l'employeur doit verser 2% de la rémunération brute due au salarié, aux organismes de prise en charge des chômeurs (ASSEDIC) pour financer des actions d’accompagnement pour l'aider à retrouver un emploi.

Si le contrat est rompu avant que le salarié ait atteint les six mois de travail nécessaires afin de bénéficier de l’assurance-chômage, une allocation forfaitaire financée par l’Etat lui sera versée.

3. Cette flexibilité est très bien accueillie par les PME, surtout dans les secteurs comme les services, ou les emplois saisonniers (hôtellerie dans les sites touristiques, vendanges ou récolte des fruits et légumes...) où l'embauche est difficile. Les demandeurs d'emploi dans ces secteurs d'activité ne sont pas du tout enthousiastes à l'idée de travailler seulement quelques mois par an et les producteurs ont beaucoup de mal à recruter de l'aide pour les récoltes et les vendanges, et les hôtels et les restaurants sont parfois obligés de fermer, faute de personnel. Ils pensent que le CNE leur permettrait d'embaucher pour des tâches saisonnières et de voir si le développement de leur activité est suffisant pour maintenir le poste en diversifiant les activités selon les besoins. Ils ont un peu l'impression d'avoir un "parachute" au cas où leur chiffre d'affaires ne leur permettrait pas de garder un salarié. Mais pour les futurs employés, le tableau n'est pas aussi rose!

4. Le 4 octobre dernier, de grandes manifestations ont eu lieu dans la majorité des villes de France, et la plupart des secteurs publics (transports, éducation, entre autres) étaient en grève. Mais dans les cortèges, il y avait aussi des travailleurs du privé, et tous revendiquaient une revalorisation de leur pouvoir d'achat et des emplois sûrs. Or, les emplois proposés en CNE, eux, sont considérés comme des emplois précaires. Pendant deux ans, le travailleur ne peut à aucun moment être sûr de garder son travail. Comment, dans ce cas, trouver un logement, fonder une famille, emprunter auprès d'une banque pour s'équiper? Cette précarité que l'on trouve déjà dans de nombreux secteurs ne favorise pas la consommation et si l'exemple de la Grande-Bretagne est avancé, avec un taux de chômage nettement inférieur à celui de la France, il passe souvent sous silence les déplorables conditions de vie d'une partie de la population. C'est justement cet aspect précaire qui est reproché au CNE, et une des revendications des manifestants portait sur son retrait par le Gouvernement. Les Français veulent un emploi durable qui leur permette de faire des projets. Ils ne comprennent pas non plus que de grandes sociétés comme Hewlett Packard par exemple, licencient des centaines de personnes et en même temps, annoncent des bénéfices chaque année plus importants.

5. Des emplois ont pourtant été créés depuis la mise en place du CNE, mais il semble que le chiffre de 30 000 qui avait été annoncé par Dominique de Villepin ne soit pas basé sur des informations fiables. Il faudra de toutes façons attendre quelques mois pour connaître l'impact de la mesure et ce n'est que fin 2008 qu'une évaluation sera faite par une commission composée d’organismes d’employeurs et de salariés... à condition que le CNE soit maintenu.

Les PME embaucheraient-elles si elles n'avaient pas la possibilité de se séparer facilement d'un salarié? Pas sûr! Pour les PME aussi, l'avenir est incertain!

© ENEFF 2005